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02 Nov

La course par Jérémie

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Hier, jeudi, à trois jours du départ, les concurrents de la Route du Rhum avaient une idée encore imprécise des conditions météo qui les attendront sur la route des alizés. Mais avant que la navigation devienne agréable, il faudra affronter du vent et des vagues. C’est aussi ainsi que s’est construit le mythe de la Route du Rhum sur laquelle Jérémie Beyou, enfant, ne se serait jamais projeté…

 

Jérémie, vous voici face à la Route du Rhum, un des deux immenses rendez-vous qui ponctuent l’histoire de la course au large en solitaire. Que représente-t-elle, pour vous ?

Jérémie Beyou : « Enfant, je venais ici avec mon père. Le dimanche, on partait dans la baie de Morlaix tenter d’apercevoir les premiers bateaux ou les lueurs des feux passer au large. Le Rhum, c’est aussi Laurent Bourgnon et Philippe Poupon, les héros de ma jeunesse. Je ne concevais pas qu’il soit possible de faire une course pareille. La Route du Rhum est effectivement un monument de la voile française et internationale. Les marins de la Volvo Ocean Race suivent avec beaucoup d’attention ce que nous faisons. C’est un événement énorme, le village est imposant et la visite des pontons marque parce que les bateaux sont de plus en plus prêts, les marins sont de plus en plus aguerris, les bateaux sont chouettes à regarder, les animations des partenaires aussi. Et, en arrière-plan, il y a la Citadelle. En quelque sorte, c’est un rêve de gosse qui se réalise à chaque fois… même si je ne m’y projetais pas, enfant, tellement cela me semblait inaccessible. Et j’ai eu la chance de prendre la deuxième place, il y a quatre ans, en IMOCA.

 

Partir pour une Transatlantique, à l’automne, c’est aussi être confronté à une météo capricieuse…

Jérémie Beyou : « Les fichiers météo nous annoncent des conditions de navigation effectivement difficiles entre lundi soir et jeudi, avec plus de 40 nœuds de vent et des creux de 9 à 10 mètres sur la route idéale, en raison d’une dépression tropicale. Mais ça peut encore changer. Quand tu prends le départ de la Route du Rhum, tu sais que tu vas te faire secouer une ou deux fois, c’est le jeu. Ensuite, il faut trouver le juste milieu entre la route « conservatrice » et la route « offensive ». Sur les routages, on voit bien que celui qui va aller à l’ouest, dans la dépression, va creuser l’écart sur ceux qui iront chercher une trajectoire plus sûre en plongeant vers le sud. Forcément, j’ai un peu plus d’appréhension parce que je n’ai pas encore totalement la main sur le bateau – je n’ai pas affronté de conditions dures avec lui -, mais ça reste un IMOCA, formé pour supporter la difficulté. Il faut trouver les solutions pour trouver la meilleure façon de passer en évitant le plus dur. Mais la question se posera pour tous les skippers, qu’ils aient un bateau neuf ou pas.

 

Quelle est la meilleure stratégie ?

Jérémie Beyou : « Sur la Transat Jacques Vabre 2009, que j’ai courue avec Michel Desjoyeaux, on a dû affronter des situations similaires, et on a choisi la voie conservatrice, en se décalant moins vers l’ouest. On a terminé quatrième. Les trois bateaux qui ont fini devant nous sont tous partis dans l’ouest, avec la victoire de Marc Guillemot et Charles Caudrelier, qui nous ont mis 200 milles dès le début… mais Sébastien Josse et Jean-François Cuzon ont eu une grosse avarie. Être prudent, ce n’est pas un choix facile ni agréable à faire parce qu’on est dans une compétition. Mais faire ce choix ne veut pas dire qu’on sera dans des conditions de confort : c’est juste plus navigable.

 

Dans vos discussions avec votre équipe, est venue l’idée que vous pourriez tenter de partir le plus vite possible pour vous glisser sous la dépression qui vous attend au Cap Finisterre, la pointe Nord-Ouest de l’Espagne. Il y a une grosse différence entre prendre un départ normal et partir à fond ?

Jérémie Beyou : « Nous pouvons faire un départ rapide grâce aux foils qui nous mettent en mode turbo, il peut y avoir 5 nœuds d’écart avec le mode normal ! Ce n’est pas anodin : les routes peuvent être différentes. Sur des conditions de mer maniables avec du vent medium, le bateau avance vraiment bien. On a du mal encore à quantifier le temps pendant lequel on peut mettre le turbo, mais sur 100 ou 200 milles, ça peut faire une différence importante, oui.

 

Quel est votre objectif, au fond, sur cette Route du Rhum ?

Jérémie Beyou : « On a besoin de faire naviguer ce bateau imaginé pour affronter le parcours du Vendée Globe, l’objectif majeur. Pour cela, on a besoin de faire une Transat aller et une Transat retour, mais aussi de naviguer en janvier et février avant de remettre en chantier pour modifications. On veut se comparer aux autres, être dans le match, mais c’est aussi important d’être à l’arrivée. Il va falloir faire des choix entre performance et sécurité, ça sera le cas pour moi comme pour les autres. »