C’est de chez lui, à Larmor-Plage, que Jérémie Beyou a suivi dimanche l’arrivée victorieuse de Dongfeng Race Team sur la Volvo Ocean Race. Désormais lauréat de la course autour du monde en équipage, puisqu’il a couru plus de la moitié des étapes avec l’équipe chinoise, le skipper de Charal se félicite d’avoir vécu une expérience qui, selon lui, l’a transformé.
Jérémie, comment as-tu vécu cette arrivée incroyable de la Volvo Ocean Race dimanche ?
C’était horrible de suivre ça à distance ! Mais à l’arrivée, ça se finit vraiment très bien et je suis très fier d’avoir gagné cette course. J’ai navigué sur plus de la moitié des étapes et quand j’ai débarqué au Brésil, à Itajai, nous étions en tête avec deux points d’avance, j’ai donc le sentiment d’avoir apporté au team.
Qu’est-ce qui t’a le plus marqué dans cette épreuve ?
C’est la notion de groupe. Quand tu participe à la Volvo, tu es dans une sorte de vase clos pendant un an et demi, tu ne penses qu’à ça. J’ai beaucoup navigué en équipage, je sais ce qu’est la vie à bord, mais moins le fait de vivre dans une telle organisation avec un groupe de 50 personnes à terre, des escales très chargées au niveau planning, qui font que tu as très peu de temps pour te reposer entre deux étapes… Il a fallu s’adapter.
En as-tu tiré des leçons ?
Bien sûr. Sur cette course, le volet technique est très simple puisque ce sont des monotypes. Le plus compliqué à gérer est le volet humain, ce qui nécessite de bien définir le rôle de chacun et sans cesse maintenir la cohésion de l’équipage pour que tout le monde aille dans le même sens. Tout cela répété sur onze étapes et huit mois, c’est très difficile à réussir. Je pense que cette expérience va m’apporter beaucoup au niveau de la gestion des priorités : en Imoca, on met beaucoup l’accent sur la technique et le bateau, peut-être moins sur l’humain, le collectif, le mental.
Physiquement, comment sors-tu de cette Volvo Ocean Race ?
J’ai pris du poids… mais surtout musculaire, parce que physiquement, c’est très engageant : les manœuvres et changements de voiles sont incessants, tu n’arrêtes pas de déplacer les voiles sur le pont, car le bateau est très sensible à la répartition des poids. Il faut vraiment bien anticiper pour ne pas se blesser. Pour cela, nous avons beaucoup travaillé sur le gainage et la musculation. Et au niveau du sommeil, c’est très différent de ce que je connais habituellement : en solitaire, tu dors beaucoup moins, mais tu dors quand tu veux ! Là, avec le système des quarts, tu vas dormir quand c’est ton tour, je n’avais plus trop l’habitude.
Dans la perspective du Vendée Globe, était-ce important de retourner dans les mers du Sud ?
Oui, c’est très bien d’y retourner et encore mieux d’y retourner dans des cadences infernales. Sur un Vendée Globe, tu vas vite, mais tu es plus dans la gestion, alors que là, tu y vas sans retenue. Même si ma vision des choses a toujours été « fast but safe », c’est plus souvent ambiance « fast and furious ». Du coup, je pense que quand je retournerai dans le Sud, j’aurai eu l’expérience de ce mode de navigation et j’aurai moins peur de pousser un peu plus le bateau si besoin. Cette Volvo m’a rassuré sur ma capacité à aller vite dans de grosses conditions.
Au final, as-tu obtenu ce que tu venais chercher ?
Oui, et plus encore ! Je suis toujours dans une dynamique d’apprentissage, je sais que la voile est un sport d’expérience et que plus on a l’esprit ouvert, plus on se remet en question, meilleur on est. Dans ce sens, cette Volvo m’a beaucoup apporté. En plus, je venais pour gagner cette course afin de poursuivre une dynamique de performances commencée par ma victoire sur la New York-Vendée, poursuivie par ma troisième place le Vendée Globe. Cette spirale est hyper importante pour moi. C’est vraiment une expérience hors du commun dont je sors différent et plus fort.