L’accastillage se compose de tous les systèmes qui favorisent le passage des bouts et facilitent les manœuvres du skipper. A bord de l’IMOCA Charal, un soin tout particulier est apporté à ce chapitre qui, s’il est moins spectaculaire que la naissance de la coque ou des voiles, est déterminant dans la performance du bateau.
Poulies, réas, cadènes, padeyes, bloqueurs, hooks et winches* composent l’essentiel de l’accastillage et sont disséminés partout sur le pont et même jusqu’en tête de mât. Poulies et réas font glisser les bouts ; cadènes et padeyes sont des points d’ancrage métalliques ou textiles ; les winches démultiplient l’effort ; bloqueurs et hooks arrêtent les manœuvres. Ces ingénieux systèmes répondent à deux fonctions principales.
Dompter 1700 mètres de bouts
La première fonction est de canaliser quelques 1700 mètres de bouts servant à hisser les voiles ou à régler toutes les composantes du bateau. Après avoir été guidé par une succession de poulies ou de réas, les bouts sont renvoyés vers le poste de pilotage où la plupart sont récupérés dans une trentaine de bloqueurs. Tous les bouts associés à une même voile sont de couleur identique, afin que Jérémie puisse acquérir des automatismes et ne pas se tromper de bloqueur lorsqu’il veut libérer l’un d’entre eux…
« Le plan d’accastillage et sa mise en œuvre ont été pensés pour la course en solitaire. Tous les bouts sont renvoyés au cockpit afin que Jérémie puisse effectuer la plupart des manœuvres en restant à l’abri. Il doit néanmoins monter sur le pont pour changer une voile d’avant ou prendre un ris dans la grand-voile », précise Yann Le Breton, en charge de l’accastillage au sein du Charal Sailing Team.
Démultiplier les forces
La seconde fonction de l’accastillage, et non des moindres, est de démultiplier la force du skipper. Alors que les architectes ont imaginé des bateaux de plus en plus puissants, ils se seraient heurtés aux limites de la force humaine, et ce malgré les séances de musculation de Jérémie, si les innovations ne leur avaient prêté main forte en termes d’accastillage. « Lorsque Jérémie tourne un winch, il peut appliquer une force de deux tonnes. Pour obtenir la même traction sur un bout, à mains nues, sans winch, il faudrait 40 Jérémie ! » calcule Yann. Le devis de poids de l’accastillage est également une donnée essentielle : être performant en restant léger.
Une colonne centrale, appelée aussi « moulin à café » fait fonctionner les quatre winches. Verticale et dotée de deux manivelles elle permet au skipper de « mouliner » debout, avec ses deux bras, dans une position plus efficace que sur un winch. La colonne est utilisée pour transmettre l’effort ou pour le démultiplier.
A bord de l’IMOCA Charal, l’assistance hydraulique n’est autorisée que pour agir sur la quille et pour régler les foils. Dans ce dernier cas, le système hydraulique est manipulé à la main, sans aide électrique.
Le temps n’est pas encore venu où le skipper pourra s’exonérer d’une excellente condition physique.
* Lexique :
Bout, drisse : cordage
Poulie : pièce en forme de roue pour aider à transmission du mouvement. La poulie est utilisée avec un bout, une courroie, une corde, une chaîne ou un câble et la forme de la jante étant adaptée aux cas d’utilisation.
Réas : roues à gorge qui composent la poulie. Il peut y avoir plusieurs réas sur une poulie.
Cadène : pièce métallique fixée sur le pont ou la coque, sur laquelle sont accrochés les câbles tenant le mât.
Padeye : pièce métallique ou textile fixée sur le pont, le mât ou la coque, sur laquelle sont accrochées les poulies.
Bloqueur : dispositif destiné à coincer un bout pour arrêter une manœuvre.
Hook : système permettant de bloquer la voile en tête de mât.
Winch : équipement fixe placé sur le pont permettant de démultiplier la traction exercée sur les cordages.