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22 Nov

Lettre ouverte de Jacques Caraës, directeur de course du Vendée Globe et ami de Jérémie

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10H00 TU, le 11/11/2020 : « Jérémie rentre en France. Ne pourra pas réparer seul. Tout est sécurisé sur son bateau pour son retour »

 

Cette phrase vient de tomber sur le sms de mon portable. Elle provient de Vincent, son team manager. Stupéfaction, je n’en crois pas mes yeux, non ce n’est pas possible, c’est une mauvaise blague !?

Non, Vincent me confirme son annonce à la direction de course, nous sommes tous sur nos écrans, on se regarde en silence, on n’a pas de mots.

J’imagine, le moment où Jérémie est obligé de capituler et d’entamer son virement de bord en poussant sur la barre de son Charal pour mettre cap à l’est. La localisation suivante sur nos écrans confirme bien que ce n’est pas un mauvais rêve, Jérémie revient vers le vieux continent.

Impossible pour moi de lui écrire tout de suite. L’annonce est trop brutale. Je dois lui laisser du temps pour digérer ce mauvais plat, de lui laisser le temps de comprendre ce qui lui arrive, du temps pour que les premières conversations ou échanges de mails puissent se faire avec ses proches, sa compagne, son team manager, son responsable technique, ses amis, les plus proches, sa famille.

Ce n’est que 48 heures plus tard que je me décide à lui écrire, ce n’est plus le directeur de course qui lui écrit mais son ami d’enfance, avec qui j’ai commencé à naviguer en équipage sur le Figaro 1.Déjà à cette époque j’avais remarqué chez lui sa pugnacité, sa passion, son écoute, son attitude de compétiteur imperturbable, l’expression d’un visage qui ne triche pas et qui connait son but « La Gagne ».

Un retour dans le chenal des Sables pas comme prévu, mais c’est lui le héros de ce jour. Malgré le confinement, les gens de la Chaume et d’ailleurs renversent les interdits et sont présents aux bords des quais pour l’accueillir, pour l’applaudir et surtout pour lui transmettre par la pensée ce désir d’avoir la force de repartir, si les réparations le permettent.

L’équipe technique est à poste dès la veille de son arrivée, pas n’importe quelle équipe de techniciens, mais sa garde rapprochée aussi talentueuse que passionnée. Des spécialistes extérieurs ont aussi immédiatement abandonné leur quotidien pour se mettre au service de Jérémie et de son bateau blessé. Des architectes, des stratificateurs de l’excellence, des experts… Ils sont tous là pour aider Jérémie à reprendre la mer. Bravo !

Jérémie pour ne pas casser sa bulle de confinement se retire discrètement avec Alicia dans son appartement des Sables d’Olonne. Les réparations sont immédiates, jour et nuit sans relâche malgré les conditions météo désavantageuses. L’équipe technique travaille sans relâche, sans la moindre plainte.

Sans pression, ni de son sponsor, ni de la direction de sa communication interne, après repos, réflexion, il prendra sa décision tout seul, c’est celle d’un marin qui ôte en quelque sorte son armure de combat, car le combat ne peut plus être celui qu’il a imaginé durant toutes ces années de préparations et de sacrifices.

Sa décision est Belle et Courageuse, forte de messages, comme dans ses yeux de jeune garçon quand je l’ai connu auprès de moi en navigation, avec ses copains régatiers de la baie de Morlaix, dans le Finistère Nord (29 N au nord de la voie express, comme on aime se le dire entre nous).

En prenant cette décision, il fait l’admiration de toutes et de tous.
Ne rien lâcher, apprendre encore, apprendre toujours plus pour atteindre le Graal qu’il mérite tant.

Cette détermination est pleine de valeur, de savoir se relever dans la plus grande difficulté. Peu de gens, peu de compétiteurs en sont capables. Cet engagement aussi parfait est unique en soi.

Merci Jérémie de nous faire vivre cela, pour nous tous, pour la jeune génération qui te regarde : quelle belle leçon de Vie.

Bon vent, belle mer l’ami Jérémie.
Prend soin de toi, reviens nous vite pour en reparler.

Ton Ami,
Ton directeur de course et son équipe :
Claire
Pierre
Hubert
Jaco 👍